Plus de deux ans après une réforme de l’inspection bouleversant les services de fond en comble, la réorganisation semble loin d’être terminée.
Les suppressions de poste continuelles semblent déjà justifier les prochaines réorganisations à venir.
On le sait, le ministère du travail n’a jamais été jugé prioritaire. Il subit de plein fouet les conséquences des politiques d’austérité et les choix politiques opérés par les gouvernements successifs.
Derrière la surcharge…
Entre 2009 et 2017, les effectifs de référence des DIRECCTE ont diminué de près de 20 %, passant de 9 826 à 7 983,6 (ETP rémunérés). S’agissant plus spécifiquement des missions d’inspection nous avons perdu près de 10% de secrétaires de section sans oublier les 10% d’agents de contrôle en moins sur le terrain depuis la création des unités de contrôle en 2014 et ceux à venir pour 2017.
Alors que les collègues croulent sous la charge de travail, notre administration a développé depuis la réforme une rhétorique de l’infantilisation permanente visant à culpabiliser les agents.
Version paternaliste soft : vous avez des difficultés ? on va vous aider et vous apprendre à travailler en vous proposant des formations : rédaction, lecture rapide, action territoriale, etc.
Version paternaliste hard : vous avez des difficultés ? Il n’y a pas de problèmes d’effectifs, le problème c’est que vous foutez rien. La preuve ?! C’est WIKIT qui le dit !
Le plan d’action est alors tout trouvé : il s’agit de faire un diagnostic permettant de repérer les agents « décrocheurs ». Il fallait oser, ils l’ont fait.
…la mise au pas programmée de l’inspection du travail
Après de longs mois de lutte, la réforme Sapin avait maintenu la section comme cellule de base rattachée à un territoire. C’est bien cet échelon, garant d’une certaine autonomie et indépendance de l’agent, qui risque de sauter si nous ne faisons rien.
Ainsi la pénurie est aujourd’hui utilisée comme prétexte à de nouveaux projets de réorganisation poursuivant l’œuvre du plan Sapin. Il est procédé au redécoupage des sections pour les ajuster au nombre d’agents, ce qui est présenté comme une solution au « désordre » des intérims que ces réformes et les suppressions de postes ont provoqué. Au-delà certains DIRECCTE voudraient, dès à présent, mettre en place une organisation et une répartition du travail à la main des RUC.
Mutualisation des secrétariats sans agents de contrôle dédiés, organisation territoriale en « système » au niveau de l’UC avec répartition du travail à la main du RUC : voilà ce qui nous guette à terme.
Une telle évolution est tout sauf un simple ajustement technique aux suppressions de poste.
Il s’agit bien d’un changement complet de la vision de notre service public.
Un service public qui n’aurait de « public » que le nom et qui s’éloignerait progressivement du contact avec les salariés rattachés à un territoire, pour ne plus fonctionner qu’à partir d’une succession de plans d’actions élaborés aux différents échelons hiérarchiques.
Cette évolution de fond s’effectue parallèlement à une révolution des modalités de sanctions en réorientant les sanctions du pénal vers des sanctions administratives à la main de notre hiérarchie.
Ce à quoi nous assistons c’est à la mise en place progressive du rêve technocratique de la DGT d’une inspection aux ordres dont les petits chefs distribuent le travail à ses agents chaque semaine, qui vont là où leur dire d’aller et qui font ce qu’on leur dit de faire.
Le public dans tout ça ? On connaît le discours : vous n’avez pas à traiter la « demande individuelle » ça relève des prud’hommes. Et pour le renseignement ? il y a déjà les services renseignements. Peu importe si ces derniers sont déjà exsangues et en voie de « mutualisation » avec la mise en place d’une plate-forme téléphonique qui va encore intensifier leur travail et le déconnecter des agents de contrôle.
Répondre aux plaintes des salariés, c’est créer une relation de confiance. Pour faire notre travail de contrôle, nous sommes grandement aidés lorsque nous disposons d’informations transmises par les salariés. Si ces derniers n’ont plus confiance en nous ou pensent que nous ne ferons rien, nous ne serons plus qu’une forme de police au service des priorités étatiques ou gouvernementales du moment au lieu d’être au service du public que sont les travailleurs.
Ce scénario, loin d’être une lubie, est déjà en œuvre dans les autres services s’occupant de la délinquance en col blanc, comme les impôts ou la répression des fraudes.
Que voulons-nous ?
Pour notre part, nous continuons de défendre un véritable service public de l’inspection au service des salariés. Affirmer cette vision c’est fixer des objectifs en terme de moyens et une orientation de notre action.
C’est dire que nous voulons un service public qui assume et revendique que sa mission est d’aider les salariés à garantir leurs droits, d’améliorer leurs conditions de travail et de limiter autant que faire ce peut leur exploitation. Dans ce cadre, le public ne doit pas être une variable d’ajustement à éliminer entre deux plans d’action, il est notre seule légitimité.
Un tel service public doit d’abord garantir un service de proximité sur tout le territoire privilégiant l’accueil physique des usagers et assurant le lien avec les agents de contrôles.
Il doit ensuite prioritairement organiser des actions, et notamment des actions collectives, en fonction des remontées du terrain et en contact avec les organisations de salariés. Bien sûr nous n’avons pas la naïveté de croire que l’on peut se contenter des plaintes pour orienter notre action. Certains risques et certains secteurs ne font pas ou peu l’objet de plaintes et doivent pourtant être couverts par notre action. Des échanges entre agents doivent être organisés pour fixer ces priorités collectives.
Enfin notre service public doit garantir l’autonomie et l’indépendance des agents de contrôle contre toutes pressions extérieures ou internes indues cherchant à faire obstacle à leurs missions.
Arrêter l’inflation d’échelons hiérarchiques, arrêter le délire technocratique qui s’auto-alimente chaque jour un peu plus dans une course à la valorisation, et retrouver un service public au service des travailleurs, voilà pourquoi nous luttons.
Le scénario qui nous est promis n’est pas une fatalité,
il ne tient qu’à nous de le faire échouer.
Organisons-nous collectivement autour de notre vision du service public.
Faisons converger les luttes qui ont lieu dans les UD
pour imposer notre vision du service public !
Le tract en pdf : Tract inspection du travail : Où allons-nous ? Que voulons nous ?