Les entretiens individuels d’évaluation arriveront cette année en mai. Suite à la grève massive du 7 février suivie de celle du 15 mars après les suicides de Luc Béal-Rainaldi et Romain Lecoustre, le ministère a amorcé un recul stratégique concernant les objectifs quantitatifs. Il ne faut pourtant pas se leurrer sur les objectifs et les orientations actuelles du ministère.
Camarade DAGEMO, encore un effort avant la Révolution de l’évaluation…
Il faut d’abord rester lucide sur ce recul. Il ne s’agit aucunement d’une véritable prise de conscience du caractère pathogène de la politique du chiffre mais bien d’un recul ponctuel face à l’ampleur de la mobilisation et l’indignation dans les services. Pour ceux qui en douteraient il faut se reporter aux instructions de la DAGEMO du 23 février dernier, qui prend elle-même le soin de préciser lourdement que l’abandon des objectifs chiffrés pour les entretiens d’évaluation est « exceptionnel, que pour l’année 2012 » .
C’est dire que si le rapport de force faiblit, la pression sur les objectifs chiffrés reviendra dès l’année prochaine.
Mais revenons sur l’entretien cuvée 2012. Au diable donc les chiffres, vive le qualitatif ! Quel est le problème alors ?
C’est oublier que l’évaluation individualisée n’a pas forcément besoin de chiffres pour faire son œuvre de mise en concurrence des agents pour la carotte (les parts variables et les réductions d’ancienneté) et le bâton (les suppressions de primes et la stagnation). A cet égard les services de l’emploi n’étaient déjà pas soumis à un système d’évaluation quantitative type CAPSITERE. Pour autant ils subissent le même management par objectifs et la même « culture du résultat » ; objectifs qui augmentent à mesure que diminuent nos moyens.
Il faut rappeler ici que l’évaluation individuelle des performances (de son vrai nom issu du management privé) est un système essentiellement discriminatoire qui vise à mettre les agents en concurrence pour éviter de poser la question des moyens collectifs. La carotte qu’on nous agite sous le nez est fixée à l’avance et ne va pas augmenter, quand bien même on se tuerait tous au travail pour atteindre ces objectifs. Il faut bien comprendre que l’enveloppe globale pour les primes est prédéfinie et que le pourcentage d’agents susceptibles de bénéficier de réductions d’ancienneté est aussi fixé à l’avance.
C’est dire que si, par miracle, tous les agents atteignaient les fameux objectifs, cela aurait pour effet une augmentation immédiate des dits objectifs et non une augmentation de l’enveloppe à distribuer.
La course à l’objectif est donc un leurre individuel et nuisible à l’ensemble du collectif de travail. Sur fond d’idéologie méritocratique, elle vise à faire croire que l’on peut, et surtout qu’il est légitime, de progresser individuellement au détriment de ses collègues (en se racontant que si on obtient plus que le collègue ou le voisin ça doit sûrement être parce qu’on est meilleur que lui ou plus méritant).
Tout ceci est une mascarade organisée par l’administration qui isole les agents, produit de la souffrance en nous rendant responsables de nos conditions de travail et nous détourne de la lutte collective pour l’avancée des droits pour tous !
L’UT69 à la pointe (comme d’habitude) !
Plus près de nous maintenant, au sein de notre chère UT69, une nouvelle petite note est apparue concernant les entretiens, se rajoutant à la note DAGEMO du 23 février.
Après avoir, comme il se doit, exercé le chantage classique en introduction en agitant la carotte et le bâton (réductions d’ancienneté et primes), la note veut définir les modalités des entretiens pour 2012. Au-delà du rappel des instructions nationales, notre RUT ajoute alors la petite touche du chef : une couche d’ « entretien collectif avec tous les agents du service destiné » venant se surajouter à l’entretien individuel avec agent.
Tout le talent de la direction est d’avoir voulu faire passer auprès des OS cet ajout « d’objectifs communs par service », comme une prise en compte de la critique de l’individualisation. Et il faut effectivement reconnaître ici l’habileté de la direction dans la formulation de la note, qui pourrait presque faire passer l’entretien 2012 comme un sympathique entretien collectif tout à l’écoute des besoins de chacun, là où, quand on y regarde de plus près, nous sommes en fait face à un renforcement des objectifs dans le cadre des nouvelles directives de la ligne hiérarchique.
Car, en effet lorsqu’on se penche de plus près sur cette note, il y a comme une odeur de ligne hiérarchique qui remonte. Il nous faut ici revenir un peu en arrière et d’abord sur la note de la DGT du 12 mars 2010 sur « l’organisation de la ligne hiérarchique de l’inspection du travail ». Celle-ci prévoyait un « plan de modernisation de l’inspection du travail, centrés sur management de qualité, impliquant […] les responsables de section d’inspection dans une relation d’autorité basée sur une redéfinition des postes de pilotage, d’appui et de soutien ou agents ». » p.4
Qu’est-ce que « le pilotage de l’action d’inspection » ? C’est notamment s’inscrire « dans une logique diagnostics-objectifs-plan d’action-évaluation-adaptation ». p.5
La ligne hiérarchique de l’inspection du travail consistait alors essentiellement à « formaliser des exigences envers les responsables de section sur le thème de l’animation de la section et de l’exercice de la fonction hiérarchique sur les agents de contrôle (pilotage, appui, soutien, entretien d’évaluation, etc.). »
Comme on sait, tout ceci n’était apparemment pas assez explicite et a donné lieu à une nouvelle note le 13 décembre 2010. Au niveau de la section d’inspection, l’inspecteur ou le DAI est promu « responsable de la mise en œuvre de la politique régionale du travail » p.2. Cette « participation à la politique travail » s’effectue notamment par l’élaboration d’un « plan d’action annuel de la section », plan d’action lui-même décrit comme un « dialogue formalisé , précis sur les objectifs quantitatifs et qualitatifs, et articulé avec l’entretien professionnel ».
Comme on le voit, la note de notre direction locale, avec son système d’entretien à deux étages (entretien individuel avec chaque agent + entretien collectif au niveau du service) correspond étrangement à l’application fidèle des instructions de la note sur la ligne hiérarchique. Mais, tel Monsieur Jourdain faisant de la prose sans le savoir, Monsieur Bodin fait probablement de la ligne hiérarchique sans le savoir.
Dans tous les cas, il ne s’agit aucunement d’une remise en cause de l’entretien individuel mais bien d’un renforcement des objectifs au niveau du service avec notamment, pour les sections, la mise en place d’un plan annuel de section.
En conséquence nous réaffirmons notre position de boycott de ces entretiens et reprenons les revendications issues de l’A.G. du 15 mars :
- l’abandon immédiat de tous les objectifs chiffrés;
- l’arrêt des suppressions d’emplois alors que la charge de travail ne cesse d’augmenter;
- l’arrêt des suppressions de missions (emplois, formation professionnelle), des mutualisations de fonctions avant leur externalisation;
- le retrait de la note sur la ligne hiérarchique;
- l’arrêt de la dévalorisation et de la déstabilisation des agents comme mode de relations hiérarchiques.
Le pdf du tract : Maintenons la pression ! Boycottons les entretiens et les remontées chiffrées