Voilà maintenant un peu plus d’an que la nouvelle organisation de l’inspection du travail est en place dans tous les départements.
Le passage à une nouvelle année est souvent le temps des bilans et des résolutions.
C’est donc l’occasion de revenir sur ce mois de décembre 2015, marqué par l’attribution des reliquats de prime.
On ne prête qu’aux riches « méritants »…
Commençons par la violence de la distinction faite entre le montant attribué en fonction de la catégorie d’appartenance (ABC). On aurait pu rêver que l’attribution des reliquats vienne corriger un tant soit peu des inégalités salariales, déjà très importantes entre catégories.
A défaut, un montant égal aurait pu être attribué à tout le monde. Mais non ! Les montants des reliquats reproduisent et augmentent encore les inégalités salariales !
Le fait d’attribuer un montant moindre aux agents percevant les plus bas salaires est en absolue contradiction avec les valeurs que nous défendons, et nous analysons cette démarche comme une nouvelle illustration du mépris porté au travail de chacun et l’ignorance de notre ministère sur ce qu’est un salaire et ce à quoi il sert.
Outre l’attribution d’un montant moindre suivant la catégorie A, B ou C, les reliquats ont été attribués après « consultation du supérieur hiérarchique » et « en fonction de la manière de servir », c’est-à-dire remis au pouvoir discrétionnaire de la hiérarchie au nom de l’alibi méritocratique.
Citron pressé…
« Manière de servir » et « supérieur hiérarchique » sont les deux notions traitées par notre bilan.
La réforme de l’Inspection du travail a permis à notre Ministère de nous affecter une sorte de Jiminy Criquet, nous rappelant régulièrement les priorités de notre Ministère, les bienfaits de WIK’IT, ou encore l’intérêt des actions collectives.
Nous n’idéalisons pas l’ancienne organisation de l’inspection du travail, dans laquelle l’esprit de petit chef d’inspecteurs zélés pouvait éventuellement s’exprimer à loisir chez certains. Néanmoins, cette nouvelle organisation permet un contrôle accru des agents notamment parce que les RUC consacrent une part non-négligeable de leur temps de travail à relayer les consignes ministérielles et à surveiller l’activité de leurs agents, ne serait-ce que pour alimenter la note de quinzaine, au profit de leur propre promotion ; nous ne parlons pas du contrôle accru des courriers entrants et sortants. A cet égard on voit fleurir des notes de service imposant de faire transiter un nombre toujours plus grand de documents par les RUCS.
La pression de la hiérarchie ne se limite pas forcément aux comportements autoritaires que certains connaissent, elle prend des formes plus insidieuses et culpabilisantes qui atteignent chaque agent, investi dans ses missions, ayant le souci de bien faire.
Elle se manifeste par le rappel constant des priorités ministérielles (chutes de hauteur, amiante et prestation de service internationale, etc.) à quoi il faut éventuellement rajouter les priorités régionales et/ou locales. Ceci tout en rappelant que nous devons assurer nos missions de service public, sans pour autant en définir et/ou en défendre le contenu.
Cette pression hiérarchique, c’est aussi celle qui disqualifie les contrôleurs du travail, en leur supprimant de fait leur droit à mutation, en proposant des postes vacants aux seuls inspecteurs.
C’est également celle qui demande aux secrétaires, pardon, aux assistants de contrôle, d’assumer un logiciel à l’ergonomie digne d’un casse-tête et, dans un même temps, à se former au droit du travail pour répondre aux sollicitations des usagers.
La pression hiérarchique, c’est aussi celle qui ne prend pas en compte la charge de travail inhérente aux intérims sur les postes vacants, aux suppléances relatives aux décisions concernant la rupture ou le transfert des contrats de salariés protégés, ou la baisse du nombre d’agent de contrôle.
Ces éléments, non exhaustifs ne peuvent, à eux seuls, traduire ce qui engendre notre souffrance au travail, cela serait trop simple !
Dis-moi quelles sont tes priorités je te dirai qui tu es…
Aujourd’hui, les agents du système de l’inspection du travail, tels qu’aime les nommer notre Ministère, ressentent la rupture qui s’opère entre les choix politiques et idéologiques de la « politique travail » et la réalité du monde du travail.
Les priorités du ministère, si elles peuvent être légitimes sur certains aspects aux yeux des agents (préservation des conditions de travail, garanties minimales pour les salariés détachés) se fondent d’abord sur des considérations économiques et concurrentielles.
Elles font primer les considérations économiques parce que le souci du Ministère du travail est d’abord de limiter les coûts financiers des dégâts de l’amiante ou de certains accidents du travail (chute de hauteur).
Elles relèvent de la logique concurrentielles car les prestations de service internationales peuvent, si elles ne sont pas contrôlées, nuire aux entreprises établies en France.
Elles ont certes leurs légitimités au regard de notre préoccupation qu’est la défense des droits des travailleurs, mais leurs choix, en tant que priorités, est une négation de ce qu’est la relation salariale, parce qu’elles ne légitiment nos interventions que sur le seul terrain revendiqué par le patronat.
EXIT heures supplémentaires impayées ou sous-payées ; EXIT ports de charges démesurés ; EXIT minima conventionnels non respectés ; EXIT temps de travail fantaisiste ; EXIT restrictions médicales non prises en compte… la liste des violences exercées sur les salariés ne relevant pas de nos priorités est longue, aussi longue qu’une permanence à laquelle nous expliquons que nous ne pouvons rien faire, faute de moyens, de temps, de texte, ou de possibilité de faire baisser le chômage.
Le 30 novembre 2015, Monsieur STRUILLOU a participé à une conférence à l’Université de Strasbourg, intitulée « Où va le Code du travail ».
Si, pour l’anecdote, la salle se situait très à droite, notre DGT a expliqué à son auditoire que, si 80% d’une classe d’âge avait le BAC, le lien de subordination ne pouvait avoir le même sens que par le passé, que les salariés étaient en capacité, pour peu qu’ils soient informés de leurs droits, de les faire respecter.
Nous y voilà, à « la manière de servir » ! Servir mais servir qui ?
Nos supérieurs hiérarchiques au sommet, quelles que soient leurs motivations, ne défendent pas les mêmes intérêts que nous et relaient une représentation du monde du travail qui est fausse ! En d’autres termes, une vision toute patronale d’un monde du travail merveilleux dans lequel nous sommes tous des « collaborateurs », sans rapport d’exploitation ou de domination.
Tous les agents de l’inspection du travail, qu’ils soient agents de contrôle ou non, parce qu’ils sont en contact avec la réalité du monde du travail, la voient telle qu’elle est dans notre système capitaliste : violente, oppressante, injuste.
Ils ne supportent plus la mascarade des actions prioritaires et du blabla en système qui ne correspondent ni aux réalités spécifiques de chaque section, ni aux demandes, relevant souvent de l’appel au secours, de salariés exploités et dominés. Alors qu’on continue de supprimer des postes chaque année dans notre ministère (-192 ETP prévus pour 2016), la priorité de notre « système d’inspection » a été de nous rajouter une couche de pression hiérarchique.
L’inspection du travail fera certes avec les moyens et les règles de droits à sa disposition, mais elle sera toujours le témoin de la souffrance des travailleurs, et servira, non pas la vision idéalisée de la relation salariale de son patron – le Ministère du travail – mais les travailleurs dans leur ensemble, qu’ils soient soumis à l’amiante, aux chutes de hauteur, aux conditions déplorables du détachement comme à toutes les autres formes d’exploitations !
Notre propre souffrance est celle des salariés que nous défendons.
Soyons fiers de notre travail !
Faisons fi des injonctions de notre hiérarchie !
Le tract en pdf : La coupe est pleine et ce n’est pas du champagne !