Pour donner des gages d’ouverture sociale, Bayrou a déclaré vouloir rouvrir le dossier des retraites peu après sa nomination.
Après une expertise de la Cour des comptes, rendue le 19 février 2025, un « conclave » réunissant représentants patronaux et syndicaux est ouvert depuis le 27 février dernier. Il devait se dérouler jusqu’au 28 mai. Aujourd’hui, le « conclave » prend l’eau après le départ de plusieurs organisations syndicales de salariés et patronales.
Pourtant, dès le départ, avec un cadre très contraint et sans rapports de force, les travailleur·euses n’avaient rien à attendre de cette mascarade…
Faute d’accord alternatif dans les 3 mois impartis, la réforme de 2023 et le passage à 64 ans, continuera à s’appliquer. Les représentants patronaux (MEDEF ou CPME) avaient déjà annoncé la couleur avec des positions fermes ou de nouvelles provocations : refus clair de revenir sur l’âge de départ à 64 ans ou volonté d’aller plus loin, promotion de la retraite par capitalisation et même proposition de supprimer des jours fériés ! Du côté syndical, l’unité de façade de 2023 est fissurée entre les partisans d’une ligne ferme sur les 64 ans et la volonté de négocier malgré tout chez les autres.
Pire, Bayrou a rapidement durci les règles du jeu avec une lettre de cadrage du 26/02 qui impose aux négociateurs de trouver un retour à l’équilibre dès 2030 alors qu’auparavant il était simplement demandé de ne pas aggraver le déficit !
Un nouveau coup de pression alors que Bayrou avait raté le précédent en anticipant un trou de 55 milliards en 2030, contredit par le rapport de la Cour des comptes. Celui-ci produit des estimations proches de celles du COR (Conseil d’orientation des retraites) : le système, excédentaire en 2023, connaîtrait actuellement un déficit annuel de 6 milliards qui évoluerait vers les 15 milliards en 2035.
Depuis le gouvernement, en la personne d’Emmanuel Macron lui-même a ajouté un nouveau coup de pression le 5 mars dernier, en déclarant vouloir investir massivement dans la défense sans pour autant augmenter les impôts. Au nom de l’économie de guerre, il faut donc s’attendre à de nouvelles contre-réformes sociales sur le dos des travailleur·euses et des services publics. Car de l’économie de guerre à la guerre sociale il n’y a qu’un pas.
Dans un tel cadre, retour à l’équilibre exigé par le gouvernement et investissement dans la défense à venir, il faut clairement s’attendre à ce qu’on nous demande encore des sacrifices. Médias aux ordres, économistes néo-libéraux et parlementaires du bloc bourgeois parlent déjà à l’unisson d’augmenter le temps de travail, de restreindre encore l’accès à l’assurance chômage, de reculer l’âge de départ à la retraite et d’introduire la retraite par capitalisation. Et pour ceux qui n’auraient pas compris, Bayrou a encore récemment annoncé qu’il était hors de question de revenir à 62 ans.
Pourtant, pour rappel, il faut mettre en parallèle ce « déficit » des régimes de retraites avec d’autres chiffres : record de 98 milliards de dividendes remis aux actionnaires du CAC 40 en 2024 ; exonérations de cotisations sociales pour les entreprises coûtant chaque année environ 80 milliards, sans contreparties ni bénéfices sur l’emploi et les salaires ; fraude sociale des employeurs (travail dissimulé)… Les leviers de financement ne manquent pas.
De l’argent il y en a : le système par répartition n’est pas menacé si l’on veut bien le financer ! Or, les politiques actuellement menées ont pour but de préserver les profits de la sphère actionnariale et patronale qui exploite notre travail et vit sous perfusion d’argent public. La masse de richesse que nous produisons est largement suffisante, elle doit nous revenir !
Nous continuons toujours de revendiquer l’abrogation de la réforme 2023 et le retour sur les contre-réformes depuis 1993 : la retraite c’est 60 pour tous·tes et 55 ans pour les métiers pénibles !
Nous n’avons rien à attendre des négociations actuelles, sur ce sujet comme sur les autres nous n’aurons que ce que nous prendrons !Il est indispensable de tirer les leçons de nos échecs précédents : on ne renversera pas la table avec des journées de mobilisations éparpillées ou en comptant sur la mobilisation de secteurs clefs isolés. Seul un rapport de force global sur la durée apporterait des résultats. A nous de nous organiser collectivement à la base, pour construire une nouvelle mobilisation pour les retraites à articuler avec les combats contre l’austérité sociale, pour les salaires et la défense des services publics.