"Ce qui manque à l'ouvrier c'est la science de son malheur." Fernand Pelloutier

Justice de classe au ministère du travail, quel état des lieux ?

Réformes partout, justice du travail nulle part

Lors des récentes assises des 20, 21 et 22 juin 2022 un atelier était spécifiquement consacré au thème : « Les freins à la justice sociale : politique pénale, bilan des sanctions administratives ».

En dehors des agents du ministère, des conseillers prud’homaux, magistrats et avocats étaient également présents. Le constat dressé par les différents acteurs lors des débats sur l’état de la justice du travail était sans appel : un consensus s’est rapidement établi pour constater ce qu’il faut bien nommer une justice de classe à tous les niveaux, entendue comme un traitement particulier des infractions liées au travail qui favorise les classes dominantes. Un magistrat évoquait même un « entre-soi bourgeois » dans la formation et la grille de lecture des magistrats sur les litiges relatifs au travail.

Au-delà du manque de moyens criant accordé à l’institution judiciaire, les réformes qui se multiplient continuent de déconstruire les services de la justice sociale :

— disparition des Tribunaux des affaires de la sécurité sociale ;

— disparition des Tribunaux d’instance (juges des élections) ;

— réforme des Conseils de prud’hommes (procédures contraignantes, réductions des durées de prescription, barèmes et plafonnements des indemnités).

Cet état de fait nous le ressentons plus particulièrement dans nos services et nos missions, quant au sort réservé à nos procédures pénales. Les procédures sans suites connues ou classées font parties du lots commun de chaque agent. Les alternatives aux poursuites se sont multipliées, les transactions pénales et les sanctions administratives permettent de contourner la justice pénale du travail.

Rappelons que les sanctions administratives sont décidées par la hiérarchie écartant ainsi l’agent.e de contrôle. Mais surtout du côté des victimes, impossible d’obtenir réparation de leurs préjudices tandis que le casier judiciaire de l’employeur infractionniste est épargné et son secret est bien gardé.

Cachez ces suites que je ne saurais voir…

Face à ce constat une revendication est ressortie avec force lors des Assises : faire un état des lieux précis et objectif de la situation pour mieux la dénoncer, mettre notre hiérarchie face à ses responsabilités et informer l’ensemble des travailleurs.

Alertée à de nombreuses reprises la DGT avait pourtant lancée en son temps un Observatoire des suites pénales à la fin des années 2000. Cet observatoire, durant sa courte durée de vie, mettait en évidence l’état catastrophique des suites pénales : les suites des 29 000 PV dressés de 2004 à 2009, toutes infractions confondues, étaient inconnues dans 60% des cas. Cet observatoire s’est ensuite perdu dans les limbes de l’administration même s’il semble toujours exister sur le papier…

Nous exigeons que soit remis sur pieds :
– un réel observatoire des suites pénale permettant un état des lieux objectif, sérieux , durable et complet : procès-verbaux, signalements au titre de l’article 40, avis au Parquet.
– un bilan régulier élaboré et diffusé à l’ensemble des agents et au-delà à l’ensemble des travailleurs.

Il est inadmissible que le voile soit tiré sur les faibles poursuites pénales contre les employeurs. Il ne peut y avoir d’effectivité du droit du travail sans la puissance du levier pénal et cela nécessite une réelle politique pénale du travail, sujet sur lequel le Ministère du travail est en total échec.

Notre administration doit regarder la réalité en face, l’ensemble des travailleurs doit pouvoir être informé de l’état de la justice du travail.

9 janvier 2023