Rebondissement dans l’affaire Tefal : notre collègue n’a commis aucune faute personnelle selon la cour d’appel de Lyon !
L’acharnement de TEFAL à l’encontre de notre collègue qui n’a fait qu’exercé ses missions d’inspectrice du travail et a subi des pressions de l’entreprise relayées par sa hiérarchie, continue. Près de 10 ans après la révélation publique des manœuvres de cette grande entreprise pour se débarrasser d’elle, la saga continue et TEFAL se pourvoit en cassation.
Dans un arrêt récent de la Cour d’Appel de Lyon en date du 10 décembre 2021, celle-ci proclame que
notre collègue, jetée dans la boue dans les précédents jugements judiciaires, n’a commis AUCUNE
FAUTE PERSONNELLE et déboute la société TEFAL de ses prétentions indemnitaires.
Pour rappel, notre collègue a été condamnée définitivement pour recel de violation du secret des
correspondances et violation du secret professionnel suite à l’arrêt de la Cour de Cassation du 3 mars
2021, lequel refuse de lui reconnaître le statut de lanceuse d’alerte. Cependant, elle avait renvoyé le
dossier à la Cour d’Appel de Lyon aux fins de statuer sur les intérêts civils, jugeant que la précédente
composition de la Cour d’appel n’avait pas examiné si notre collègue avait commis une faute personnelle détachable de ses fonctions avant de la condamner à payer des intérêts civils à l’entreprise TEFAL.
C’est donc cette nouvelle composition de la Cour d’Appel de Lyon qui, pour la première fois depuis
2013, énonce clairement que NON, notre collègue n’était animée d’aucune intention de nuire mais au
contraire de la seule volonté de se protéger des manœuvres dont elle était victime (manœuvres dont
la Cour rappelle qu’elles ont été reconnues par le Conseil National de l’Inspection du travail),
« Il n’est pas établi qu’elle a été animée par une intention de nuire mais seulement par la volonté de se protéger de manœuvre dont elle estimait faire l’objet – manœuvre dont le CNIT a considéré qu’elles ne relevaient pas de la seule interprétation de l’intéressée- dans la mesure où il est établi qu’elle s’est trouvée dans une situation à tout le moins complexe, en conflit avec sa hiérarchie alors qu’elle pouvait légitimement attendre un soutien, si elle a pu en l’espèce poursuivre un intérêt personnel mais pas rechercher un gain, s’agissant d’une attitude défensive,(…) il y a lieu de constater que cet agent public ne s’est pas rendue l’auteure d’une faute personnelle détachable du service, c’est-à-dire une faute d’une particulière gravité, commise volontairement et intentionnellement, sans rapport avec les nécessités de l’exercice des fonctions, qui procède d’un manquement volontaire et inexcusable à des obligations d’ordre professionnel et déontologique ».
Nos organisations syndicales se réjouissent de cette décision et que pour la première fois soit reconnue la bonne foi de notre collègue qui n’a recherché qu’à se protéger des pressions dont elle faisait l’objet.
C’était sans compter la société TEFAL qui non contente d’avoir fait condamner notre collègue pénalement poursuit sa ligne jusqu’au-boutiste en exerçant un recours de cette décision devant la Cour de Cassation, qui devra ainsi se prononcer pour la troisième fois dans cette affaire. De même, nous continuons de soutenir notre collègue qui a saisi la Cour Européenne des droits de l’Homme afin d’annuler les condamnations pénales prononcées à son encontre. Cette première reconnaissance de la légitimité de ses actes est une première étape en vue de voir enfin reconnu son statut de lanceur d’alerte !
L’affaire Tefal, c’est quoi ?
Un salarié, informaticien de l’entreprise, découvre en octobre 2013 un compte rendu RH le concernant et mentionnant : «Licenciement de Monsieur M : Aucun motif – coût 12 000 euros : donc lui fixer des objectifs
inatteignables.». Abasourdi par ces méthodes, il cherche des renseignements sur le serveur informatique pour se protéger. Il découvre à cette occasion que l’entreprise, via le Medef et les services de la DCRI (renseignement généraux) de la préfecture du 74, ont cherché à se débarrasser de l’inspectrice du travail, gênante à leur yeux pour avoir qualifié un accord RTT d’illégal.
Le salarié communique alors ces documents compromettants à l’inspectrice. Elle comprend soudainement pourquoi son directeur l’a convoquée et menacée en avril 2013, au cours d’un entretien ayant pour objet un recadrage violent. Lors de cet entretien, son directeur départemental avait notamment exigé qu’elle revoie les
demandes qu’elle avait adressées à l’entreprise TEFAL. Notre collègue en sortira déstabilisée et sera en arrêt
maladie plusieurs mois. Elle saisit alors le Conseil national de l’inspection du travail (CNIT), procédure prévue en cas d’atteinte à l’indépendance de l’inspection du travail.
Elle met en copie de sa saisine les organisations syndicales de son ministère qui l’aident en lieu et place de sa hiérarchie défaillante. Elle transmet ces documents
au procureur de la République dans un procès-verbal d’obstacle à ses fonctions et elle porte plainte pour
harcèlement moral contre les directeurs de l’administration dont les pressions et même les menaces sont la cause
de la dégradation de sa santé et de ses conditions de travail.
Le Conseil National de l’Inspection du Travail (CNIT), après enquête, établit l’existence de pressions indues de la
part de l’entreprise. Pour autant, les procédures et plaintes de l’inspectrice prennent la poussière sur le bureau du
Procureur de la République avant d’être classées sans suite, tandis qu’il décide de poursuivre… l’inspectrice et le
lanceur d’alerte ! Les propos du Procureur sont détonants, lui qui trouve « une occasion de faire le ménage » au
sein du corps de l’inspection du travail « qui ne devraient pas avoir le droit de se syndiquer ». Un bel exemple d’ «impartialité» et de «déontologie».
Cette situation s’est encore illustrée avec la gestion de la crise sanitaire de covid-19 par le ministère du
travail, qui a donné lieu à de nombreuses entorses à nos missions de protection des conditions de travail des salariés.es, des pressions hiérarchiques indues allant jusqu’à empêcher notre collègue Anthony de mener à bien une procédure de référé à l’encontre d’une entreprise. Le ministère n’a pas hésité à relayer la pression de l’entreprise et à sanctionner notre collègue en dépit du principe d’indépendance garanti par la convention internationale de l’OIT n°81. Ce sont ces violations répétées qui ont conduit nos syndicats à saisir le Bureau International du Travail en avril 2020.