En ces temps de pandémie au COVID-19, et alors que le gouvernement ordonne aux travailleurs d’aller bosser quoiqu’il en coûte, nous vous proposons des fiches pratiques :
- une fiche rappelant les conditions d’exercice du droit de retrait, ci-dessous;
- une fiche rappelant la procédure du droit d’alerte pour danger grave et imminent (DGI).
Rédiger son droit de retrait
L’article L4131-1 du Code du travail définit ainsi le droit de retrait : « Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.
Il peut se retirer d’une telle situation.
L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection. »
Pour faire valoir légalement votre droit de retrait il est nécessaire de caractériser et décrire le danger grave et imminent (DGI) auquel vous seriez exposé sur votre poste de travail.
La circulaire de la Direction générale du travail du 3 juillet 2009 (n°2009/16) précise les modalités du droit de retrait lors du cas spécifique des pandémies : « Il convient de souligner que le droit de retrait vise une situation particulière de travail et non une situation générale de pandémie grippale. (…) dans la mesure où l’employeur a mis en œuvre les dispositions prévues par le code du travail et les recommandations nationales, visant à protéger la santé et à assurer la sécurité de son personnel, qu’il a informé et préparé son personnel, notamment dans le cadre des institutions représentatives du personnel, le droit individuel de retrait ne peut en principe trouver à s’exercer. En effet, les mesures de prévention, la prudence et la diligence de l’employeur privent d’objet l’exercice d’un droit de retrait qui se fonderait uniquement sur l’exposition au virus ou la crainte qu’il génère.»
En conséquence vous ne pouvez pas juste faire référence au coronavirus pour justifier votre droit de retrait. Il faut nécessairement préciser les problèmes concrets auxquels vous êtes exposés sur votre poste et l’absence ou la faiblesse des mesures prises par l’employeur.
Les recommandations nationales concernant le Coronavirus sont disponibles à l’adresse suivante : https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus.
Plusieurs éléments peuvent poser problème en situation de travail :
- « Se laver les mains très régulièrement »
- « Eviter les rassemblements, limiter les déplacements et les contacts »
- « Ce sont les gestes barrières et la distanciation sociale qui sont efficaces. »
- « Faut-il désinfecter les surfaces ? Oui. Les produits de nettoyage et désinfectants couramment utilisés sont efficaces contre le COVID-19. En plus du nettoyage régulier, les surfaces qui sont fréquemment touchées avec les mains doivent être nettoyées et désinfectées deux fois par jour, notamment lorsqu’elles sont visiblement souillées. Il s’agit par exemple des poignées de porte, des boutons d’ascenseur, des interrupteurs d’éclairage, des poignées de toilettes, des comptoirs, des mains courantes, des surfaces d’écran tactile et des claviers. »
« Se laver les mains régulièrement » ce qui requiert de l’eau potable, du savon et des moyens d’essuyage appropriés, ce qu’impose déjà le Code du travail en toutes circonstances, y compris sur tous les chantiers (R. 4534-141 du Code du travail).
Le gel hydro-alcoolique n’a de sens que s’il est impossible de mettre à proximité du poste de travail de manière régulière, de l’eau, du savon, etc.
Concernant le risque biologique, l’article R.4424-3 du Code du travail précise : « Lorsque l’exposition des travailleurs à un agent biologique dangereux ne peut être évitée, elle est réduite en prenant les mesures suivantes :
1° Limitation au niveau le plus bas possible du nombre de travailleurs exposés ou susceptibles de l’être ;
2° Définition des processus de travail et des mesures de contrôle technique ou de confinement visant à éviter ou à minimiser le risque de dissémination d’agents biologiques sur le lieu de travail ;
3° Signalisation (…);
4° Mise en œuvre de mesures de protection collective ou, lorsque l’exposition ne peut être évitée par d’autres moyens, de mesures de protection individuelle ;
5° Mise en œuvre de mesures d’hygiène appropriées permettant de réduire ou, si possible, d’éviter le risque de dissémination d’un agent biologique hors du lieu de travail »
Pour caractériser le danger grave et imminent (DGI) auquel vous êtes exposé, vous devez donc décrire précisément les situations de travail où ces dispositions ne sont pas respectées.
Exemples de situations :
- Impossibilité de se laver les mains (pas de mise à disposition de gel hydroalcoolique, de savon, d’eau potable…)
- Impossibilité d’éviter les rassemblements (la taille du réfectoire et sa capacité d’accueil, vestiaires…)
- Impossibilité de respecter la distanciation sociale (les tâches de travail nécessitent un travail en équipe avec des contacts pour pouvoir travailler en sécurité, port de charges lourdes à plusieurs, par exemple…)
- Impossibilité de désinfecter le matériel commun (équipements de travail, sanitaires, etc.)
La solidité de votre droit de retrait repose sur la description factuelle des situations où vous êtes personnellement exposé.
A ce titre il est important de souligner qu’un droit de retrait s’exerce juridiquement de manière individuelle et non collective. Il faut donc éviter un simple copier-coller de droit de retrait entre les salariés d’un même entreprise ; si des situations de travail à risque similaires peuvent être inscrites, il est important de les adapter à chaque cas individuel.
2) Procédure
a) Informer son entreprise
Le salarié informe son employeur ou son responsable hiérarchique par tout moyen. Même si cela n’est pas obligatoire, un écrit (SMS, e-mail, courrier en main propre contre signature, etc.) est cependant préférable. En complément, le salarié peut aussi s’adresser aux représentants du personnel au comité économique et social (CSE), s’il existe.
L’employeur doit prendre des mesures et donner les instructions nécessaires aux travailleurs.
L’employeur ne peut effectuer aucune retenue sur salaire, ni sanctionner un travailleur ou un groupe de travailleurs qui a exercé son droit de retrait de manière légitime.
En cas de litige entre employeur c’est le conseil de prud’hommes qui est compétent pour trancher.
b) Est-ce que je rentre chez moi après avoir exercé mon droit de retrait ?
Non. Le droit de retrait n’entraîne pas la suspension du contrat de travail, le salarié doit rester à la disposition de son employeur qui peut lui demander de travailler ailleurs où il sera en sécurité (autre poste, autre chantier, autre site, etc.).
Dans le cas où tout travail en sécurité est impossible, c’est à l’employeur d’en prendre acte et de renvoyer les salariés chez eux.
Pour éviter tout litige sur cet ordre, il est préférable que les salariés aient une preuve écrite de cet ordre. Si l’employeur refuse, aux salarié d’envoyer un écrit à l’employeur ou son représentant (mail, SMS, etc.) indiquant l’ordre oral reçu. Vous pouvez aussi essayer d’avoir des témoins (représentants du personnel, inspection du travail, etc.)
c) Risque si l’employeur conteste le droit de retrait
Le juge (conseil de prud’hommes) examinera alors le caractère raisonnable du motif et déterminera si le droit de retrait est légitime ou non. La description des situations de travail problématiques est donc essentielle dans le courrier car en cas de litige ce sont ces motifs que le juge va apprécier pour fonder sa décision.
Si le juge estime que le droit de retrait est légitime aucune retenue de salaire ou mesures disciplinaires ne peut être pris à l’encontre du salarié.
Si le juge estime que le droit de retrait est abusif, le salarié s’expose à des retenues sur salaire ou des sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement pour abandon de poste.
Toute contestation du droit de retrait ne termine pas forcément au tribunal, un règlement du litige à l’amiable et par le biais des représentants du personnel (qui peuvent eux-mêmes effectuer un droit d’alerte) peut également être mis en place. Il est donc important que vous restiez (raisonnablement) joignable après votre droit de retrait pour échanger sur la situation et les mesures mises en œuvre.
d) Responsabilité civile de l’employeur
L’employeur à l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la santé et la sécurité de ces salariés (art L 4121-1 du Code du travail).
Dans le cadre du droit de retrait l’article L 4131-4 du Code du travail précise que : « Le bénéfice de la faute inexcusable de l’employeur prévue à l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l’employeur le risque qui s’est matérialisé. »
Cela signifie que la faute inexcusable de l’employeur sera automatique si un salarié fait une demande de retrait concernant le risque de contracter le coronavirus, que l’employeur la refuse, que le salarié retourne travaillé et qu’il contracte effectivement la maladie.
e) Responsabilité pénale de l’employeur
L’inspection du travail peut constater l’existence d’infractions aux règles d’hygiène et de sécurité avec des procédures pénales ou administratives.
Sur le droit de retrait lui-même, l’inspection du travail peut constater que l’employeur fait obstacle à l’exercice du droit de retrait des travailleurs (par les retenues sur salaire ou des sanctions sanctions disciplinaires injustifiées). Les agents de contrôle de l’inspection du travail peuvent dresser PV pour constater l’infraction qui est punie d’une amende de 10 000 € par salarié concerné.
f) Rôle des représentants du personnel
Les représentants du personnel peuvent jouer un rôle. Chaque membre du CSE dispose d’un droit l’alerte en santé et sécurité des travailleurs (L4132-2 du Code du travail).
Le représentant du personnel (un seul suffit) alerte son employeur par écrit.
A la suite de quoi, l’employeur procède immédiatement à une enquête sur le danger qui lui a été signalé, l’enquête est conjointe avec la représentation du personnel.
En cas de désaccord sur la réalité du danger ou sur les mesures à prendre, le CSE est réunit d’urgence (maximum 24h).
Parallèlement, l’inspecteur du travail doit être immédiatement informé et il peut assister à la réunion du CSE.
En cas de désaccord sur les mesures à prendre et les conditions d’exécution entre l’employeur et la majorité du CSE, l’inspecteur du travail est saisit immédiatement par l’employeur.
Pour plus de détails, voir notre fiche pratique Droit d’alerte danger grave et imminent