Nous avons rassemblé sur cette page:
- une synthèse de la journée ;
- des photos du rassemblement ;
- le texte et la vidéo de l’intervention de la CNT en soutien à l’inspection du travail et contre la répression syndicale ;
- le texte de l’intervention intersyndicale du Ministère du travail (CGT-CNT-FO-FSU-SUD) ;
- le texte de l’intervention de Stéphanie GIBAUD, lanceuse d’alerte d’UBS ;
- d’autres vidéos, notamment de la prise de parole de Laura Pfeiffer à la sortie de l’audience ;
- une interview radiophonique
- quelques articles de presse.
Synthèse de la journée
Le rassemblement
A l’occasion de l’audience devant la Cour de cassation concernant l’affaire TEFAL la CNT avec d’autres organisations syndicales du ministère du travail (SUD – CGT – FO – FSU) avaient appelé à un rassemblement de soutien à notre collègue devant la Cour.
Nous étions près de 150 ce mercredi 5 septembre devant la cour de cassation pour exprimer notre soutien et solidarité à notre collègue Laura Pfeiffer à l’appel de l’intersyndicale du ministère du travail CGT-CNT-FO-FSU-SUD.
Ce rassemblement était placé sous le sceau de la solidarité interprofessionnelle contre la répression anti-syndicale et pour la défense des lanceurs d’alerte.
Ainsi plusieurs collègues sont venus témoigner la répression anti-syndicale qui s’intensifie dans notre ministère depuis l’arrivée de notre ministre-patronne Madame PENICAUD.
A leurs côtés, d’autres salariés du privé, des syndicalistes parisiens, étaient présents en signe de solidarité, et notamment des salariés de Tefal avaient fait le déplacement depuis la Haute-Savoie.
Plusieurs lanceurs d’alerte (URSSAF, UBS) ont également mis en évidence tous les risques qu’il y a encore aujourd’hui en France à dénoncer des pratiques illégales du patronat et de leurs relais politiques.
Tout naturellement l’association ANTICOR, association de lutte contre la fraude et la corruption s’associait, au rassemblement.
Au-delà, l’intervention des confédérations CNT, CGT et SUD rappelait la nécessité de combattre le projet politique qui continue d’avancer derrière cette répression, le projet de remettre en cause tous les droits sociaux depuis plus de 50 ans : sécurité sociale, droit du travail et services publics.
Seule une réponse interprofessionnelle forte et sur la durée permettra de faire reculer ce gouvernement de combat qui manie aussi bien la répression qu’il détruit méthodiquement tous les droits collectifs des travailleurs.
Au niveau juridique
L’information principale de la journée est que le ministère public a requis l’annulation du jugement de la cour d’appel de Chambéry qui condamnait notre collègue avec renvoi devant une autre cour. La décision sera rendue le 17 octobre 2018.
A l’audience de la Cour de cassation, le rapporteur public et l’avocat général ont demandé un nouvel examen au fond de l’affaire au regard de la nouvelle loi du 9 décembre 2016 (n°2016-1691), dite loi Sapin II ; le jugement de la cour d’appel ayant été rendu le 16 novembre 2016 soit un mois avant l’adoption de la loi. En effet, cette nouvelle loi comportant des dispositions relatives aux lanceurs d’alerte et étant jugée plus douce (censée protéger les lanceurs d’alerte), l’avocat général a conclu sa plaidoirie en demandant l’annulation de l’arrêt de la Cour d’appel de Chambéry sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens invoqués par l’avocat de notre collègue.
Déclaration de la CNT en soutien à l’inspection du travail et contre la répression syndicale
Aujourd’hui nous nous retrouvons une fois de plus pour soutenir et exprimer notre solidarité envers notre camarade qui subit la répression, de ce qu’il faut bien appeler, une justice de classe.
Car dans l’affaire TEFAL que reproche-t-on fondamentalement au salarié, lanceur d’alerte de TEFAL, et à Laura si ce n’est de s’être défendus ?!
Le salarié de s’être défendu contre les manœuvres de son patron pour le faire licencier.
Et pour notre collègue inspectrice d’avoir défendu sa fonction et ses missions en faisant appel aux syndicats contre les manœuvres de TEFAL pour l’évincer.
L’enjeu de ce procès est bien là, a-t-on le droit de se défendre face aux manœuvres patronales et face à la défaillance, pour ne pas dire la complaisance, de la hiérarchie du ministère du travail.
Comme vous le savez, depuis l’affaire TEFAL, la situation s’est encore dégradée, et les pressions et procédures disciplinaires contre d’autres camarades se sont multipliés à l’inspection du travail. Faut-il s’en étonner alors que le patronat est aujourd’hui directement à la tête du gouvernement et du ministère du travail.
Et alors que le rapport de la députée LECOQ sur la santé au travail prône, sans rire, des contrôles « bienveillants » envers les employeurs. La répression anti-syndicale qui s’accélère, s’intensifie, elle n’est pas « bienveillante ». Il suffit de citer la répression systématique et acharnée qui s’abat aujourd’hui sur les cheminots après une lutte de plusieurs mois. Grève des cheminots qui, faut-il le rappeler, a donné l’occasion à la DGT de s’illustrer une fois de plus, en montrer sa « bienveillance » envers la SNCF sur les modalités de retenue sur salaire.
Plus que jamais l’exercice du droit syndical, c’est à dire du droit élémentaire des travailleurs à s’organiser et à défendre leurs droits sur leur lieu de travail, est un combat permanent. Nous le savons, à la CNT, nous qui voyons si souvent nos sections syndicales contestées, nos représentants de sections syndicales et nos adhérents mis sous pression.
Derrière cette répression il y a un projet qui continue d’avancer. Il y a un projet politique : détruire toutes les conquêtes sociales depuis plus de 50 ans : droit du travail, sécurité sociale, services publics. Tout doit disparaître et jusqu’à la possibilité même de contester ces politiques. Pour ce faire il faut museler, intimider, réprimer ceux qui résistent encore. Et au premier rang les militants syndicaux et les lanceurs d’alerte. Leur dialogue social, c’est se taire ou se faire sanctionner, licencier, ou matraquer.
L’Etat et le Patronat mènent un combat sans merci contre les classes populaires et le mouvement social. Aujourd’hui, comme hier, il est nécessaire de s’organiser pour résister à la logique du capital.
Le patronat et le gouvernement attaquent sur tous les fronts, c’est à nous, en face, d’organiser une riposte collective interprofessionnelle et une réelle solidarité de classe à la hauteur et sur la durée et sans attendre. Si la tâche est difficile, il n’y a que les travailleurs eux-mêmes qui peuvent la réaliser.
Face au rouleau compresseur patronal et à la répression, nous ne nous tairons pas, nous poursuivrons nos luttes pour la défense et l’émancipation de tous les travailleurs !
Et, une nouvelle fois, nous exigeons la relaxe pour Laura ! Et nous continuerons à défendre une inspection du travail au service des travailleurs !
Vidéo de l’intervention de la CNT
Photos du rassemblement devant la Cour de cassation
Intervention intersyndicale du Ministère du travail
La Cour de cassation doit se prononcer, ce 5 septembre, sur la légalité de la condamnation de notre collègue pour recel de violation du secret des correspondances et violation du secret professionnel.
Pour résumer en quelques mots l’affaire TEFAL, un salarié, informaticien de l’entreprise, découvre en octobre 2013 un compte rendu RH le concernant et mentionnant : « Licenciement de Monsieur M : Aucun motif – coût 12 000 euros : donc lui fixer des objectifs inatteignables. ». Abasourdi par ces méthodes, il cherche des renseignements sur le serveur informatique pour se protéger. Il découvre à cette occasion que l’entreprise, via le Medef et les services de la DCRI (renseignement généraux) de la préfecture du 74, ont cherché à se débarrasser de l’inspectrice du travail, gênante à leur yeux pour avoir qualifié un accord RTT d’illégal.
Ce dernier communique alors ces documents compromettants à l’inspectrice en charge de l’entreprise. Elle comprend soudainement pourquoi son directeur l’a convoquée et menacée en avril 2013, au cours d’un entretien ayant pour objet un recadrage violent. Lors de cet entretien, son directeur départemental avait notamment exigé qu’elle revoie les demandes qu’elle avait adressées à l’entreprise TEFAL. Notre collègue en sortira déstabilisée et sera en arrêt maladie plusieurs mois. Elle saisit alors le Conseil national de l’inspection du travail (CNIT), procédure prévue en cas d’atteinte à l’indépendance de l’inspection du travail. Elle met en copie de sa saisine les organisations syndicales de son ministère qui l’aident en lieu et place de sa hiérarchie défaillante. Elle transmet ces documents au procureur de la République dans un procès-verbal d’obstacle à ses fonctions et elle porte plainte pour harcèlement moral contre les directeurs de l’administration dont les pressions et même les menaces sont la cause de la dégradation de sa santé et de ses conditions de travail.
Alors que le CNIT reconnait l’existence de pressions et une défaillance du ministère du travail, par un spectaculaire retournement de perspective, le procureur d’Annecy décide en avril 2015, suite à une plainte de TEFAL déposée contre X, d’engager des poursuites contre l’inspectrice du travail. Son crime ? Avoir étayé sa dénonciation par ces documents compromettants échangés au sein de TEFAL, et entre TEFAL et l’administration; avoir mis en copie de sa saisine du CNIT les organisations syndicales de son ministère, qui l’ont aidée en lieu et place de sa hiérarchie défaillante.
Depuis 5 ans, le silence est assourdissant autour des pratiques pernicieuses de TEFAL, des manœuvres du patronat local pour obtenir l’éviction de l’inspectrice et de sa connivence avec l’administration comme avec la justice, illustrée par les propos du procureur sur cette « occasion de faire le ménage » à l’inspection du travail (L’Humanité, 21 mai 2015). Les procédures de l’inspectrice ont toutes été classées sans suite par le même procureur, le directeur du travail mis en cause a été exfiltré en douce et en douceur (Libération, 16 décembre 2014)… pendant que sont condamnées nos deux vigies et cloués au pilori et l’inspection du travail, et les organisations syndicales et les lanceurs d’alerte pour avoir joué leurs rôles respectifs de garants de l’intérêt général (tribunal correctionnel d’Annecy 4 décembre 2015, cour d’appel de Chambéry 16 novembre 2016).
L’association Anticor (lutte contre la corruption) a d’ailleurs remis un prix éthique en janvier 2016 à l’inspectrice du travail.
En cinq ans, que s’est-il passé ?
En 2018, nous ne pouvons que constater que la situation au sein de l’inspection du travail n’a fait que se dégrader depuis cette affaire. Il a révélé au grand jour que le ministère ne cherche pas à protéger ses agents contre les « pressions extérieures indues » du pouvoir politique et du patronat mais, au contraire, fournit les instruments permettant d’attaquer systématiquement ses agents. Ainsi, depuis l’affaire TEFAL, un code de déontologie a été mis en œuvre, véritable vadémécum pour employeur cherchant à déstabiliser un corps de contrôle chargé de la protection des salariés.
Les exemples de remise en cause des agents en raison de leur appartenance syndicale ou d’un soit disant manque d’impartialité fleurissent. Les situations d’agressions de collègues se multiplient et s’aggravent : des attaques verbales et physiques, collègues séquestrés dans leur voiture de service….En interne, le ministère se fend d’un mail de soutien mais aucun message clair n’est envoyé aux employeurs.
De surcroit ce code de déontologie (« fait pour nous protéger » dit la main sur le cœur le DGT) sert de matrice a une multiplication sans précédent de sanctions envers les agents pour leur activité syndicale avec plus de 4 procédures disciplinaires en moins de 6 mois. Les « recadrages » oraux ou écrits d’agents ayant simplement exercé leur droit syndical sont de plus en plus nombreux.
En réalité, on ne compte plus aujourd’hui les décisions prises au niveau de la Direction Générale du Travail, en dehors de toute logique juridique, visant juste à satisfaire les intérêts du patronat et de ses lobbys. En 2014-2015, à la suite d’un recours hiérarchique, le DGT signe lui-même les autorisations de licenciements des salariés de Goodyear, reproduisant quasi intégralement l’argumentaire de l’employeur sans aucune base juridique. Il prend, à cette occasion, une véritable décision politique.
Dernièrement, en pleine grève à la SNCF, la DGT a produit une note demandant aux agents de l’inspection du travail de s’abstenir d’intervenir auprès de la SNCF sur les modalités de retenue de salaire. Elle s’est même permis de rappeler à l’ordre les collègues qui avaient eu l’outrecuidance de répondre à une demande sociale. Rappelons que tandis que la DGT demandait à l’inspection du travail de fermer les yeux, la SNCF a depuis été condamnée pour son mode de calcul illicite.
L’affaire TEFAL a été l’élément accélérateur d’une politique de répression et de mise au pas sans précédent de l’inspection du travail. Ce phénomène n’est pas isolé. La répression touche tous les contre-pouvoirs du patronat : les élus et militants sont poursuivis en justice pour une chemise déchirée ou un envahissement, la loi sur les secrets des affaires menace de pénaliser tout travail journalistique dérangeant.
Et pendant ce temps, le droit du travail est dépecé, les statuts publics ou privés sont atomisés, le service public est condamné. Il est plus que temps de dire stop à ces attaques et d’organiser une riposte collective et concertée pour défendre le droit du travail, ceux qui le font appliquer et ceux qui bénéficient de sa protection.
Nous sommes ici réunis, militants syndicaux, lanceurs d’alerte, collègues du Ministère du travail, avec le soutien des organisations syndicales et des partis politiques, pour soutenir une inspectrice du travail mise en cause pour n’avoir fait que son travail, pour avoir dénoncé, grâce au courage du salarié lanceur d’alerte, les pressions extérieures indues dont elle a été victime de la part d’une entreprise.
Nous attendons donc de cette audience qu’enfin notre collègue soit reconnue dans ses droits et sa dignité. Nous continuons de demander :
- La relaxe de notre collègue
- La poursuite devant la justice des procédures initiées par notre collègue
- Une condamnation publique des agissements de TEFAL
Intervention de Stéphanie GIBAUD : lanceuse d’alerte sur l’évasion fiscale au sein de UBS :
Chaque lanceur d’alerte a prouvé par son propre parcours que dire la vérité dans nos démocraties occidentales est un acte révolutionnaire. Les lanceurs d’alerte ont tous été traînés en justice avant les entreprises dont ils dénoncent les scandales.
Dire la vérité est un acte révolutionnaire dans nos démocraties occidentales mais faire son travail l’est tout autant au “pays des droits de l’homme” puisque cela mène aussi à devenir “lanceur d’alerte” et à être traîné en justice.
Dans ces temps troubles et troublés, dans cette époque sans repères, il est important de nous rassembler et de nous mobiliser pour remercier celles et ceux qui veulent la paix, la vérité et le respect dans le monde.
Merci Madame Pfeiffer de nous avoir ouvert les yeux sur les dysfonctionnements de la société Téfal dont nous sommes quasiment tous ses clients. Vous aidez les citoyens à comprendre qu’ils doivent retrouver leur liberté, à commencer par celle de faire son travail correctement, mais aussi leur liberté de penser et leur permettre l’unicité car tous les collaborateurs en France dépendent d’une inspectrice du travail.
Celle vers laquelle je me suis tournée dans le cadre du scandale d’évasion fiscale que j’ai dénoncé chez UBS a été mutée en Polynésie. Vous voici donc, Mme Pfeiffer, mutée aux Antilles. A croire que les fonctionnaires consciencieux sont envoyés au loin, sur des îles paradisiaques, pour que leurs actions qui gênent l’oligarchie soient oubliées en Métropole…
La liberté et la justice ne s’expriment pas seulement avec des mots mais par des actions au quotidien face à la culture du mensonge, de l’opacité et de la peur.
Au nom de la solidarité féminine, au nom de mon parcours de lanceuse d’alerte mais aussi d’ancienne élue en entreprise et d’ancienne syndiquée, je tiens à vous remercier de votre éthique, de votre intégrité et de votre exemplarité. Vos actions permettent une prise de conscience de l’opacité des multinationales et des administrations, opacité orchestrée contre les intérêts des citoyens. Car lorsque l’on est traîné en justice pour avoir simplement son travail, c’est bien de la cohésion de notre société dont il s’agit.
J’espère de tout cœur que la décision de justice rendue ce 5 septembre 2018 vous rétablira dans vos droits et vous permettra de retrouver votre honneur et votre dignité d’inspectrice du travail qui a agi dans l’intérêt général.
Restons soudés, restons mobilisés car être lanceur d’alerte n’est pas le métier de certains, mais l’obligation morale de tous.
Autres vidéos
Quand les pantouflages et les rétro-pantouflages, tous les #AlexisKohler, qui gangrènent le sommet de l'Etat se répandent jusqu'à sa base… Avec #LauraPfeiffer contre #Tefal ce matin. pic.twitter.com/fpECLDWMxR
— François Ruffin (@Francois_Ruffin) September 5, 2018
#inspectiondutravail résultat cour de cassation le 17 octobre #lanceuralerte pic.twitter.com/qPiqWRsrlY
— UFSE-CGT (@UFSE_CGT) September 5, 2018
Interview d’un membre de la CNT TEFP
Articles de presse
L’Humanité : Inspection du travail. Jugement dans l’affaire Tefal
Le Figaro : Affaire Tefal : rassemblement de soutien à une inspectrice du travail
Le Media : L’Affaire Tefal : L’inspectrice du travail en cassation