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Marins, travailleurs de seconde zone ?

Marins et inspection du travail

Depuis la création du code du travail maritime en 1926, recodifié dans le code des transports en 2010, tous les marins relèvent du droit privé, y compris ceux et celles engagé.e.s par des armateurs publics. Ces dispositions prévoient que le code du travail s’applique aux marins sous réserve de textes spécifiques (art. L.5541-1 du code des transports). Les pouvoirs publics qui arment des navires dans le cadre des services publics maritimes (drague des ports, phares et balises, bacs…) doivent donc appliquer le code du travail et le code des transports aux marins.

Afin de respecter ses obligations internationales (convention n°178 de l’Organisation internationale du travail, OIT), le gouvernement français a mis en place des inspecteurs du travail maritime en 1999. Depuis presque vingt ans, tous les armateurs, y compris publics, font l’objet de contrôles de la part de l’inspection du travail qui est chargée de faire respecter le droit du travail (art. L.8112-1 du code du travail). Ces contrôles portent non seulement sur les contrats d’engagement maritime et les conditions du travail à bord des navires, mais également le fonctionnement des représentants du personnel (délégués de bord, délégués syndicaux…).

Empêcher les contrôles des armateurs publics

Récemment, l’inspection du travail a contrôlé les conditions de travail des marins de droit privé d’un Conseil départemental. Ces contrôles ont permis de constater plusieurs infractions : l’eau contaminée à bord l’un des navires, entrave au droit d’alerte des délégués de bord et refus d’organiser les élections du Comité d’établissement et des délégués du personnel, aujourd’hui CSE. Ne pouvant être relevées par procès-verbal (art. L.8113-8 du code du travail), ces infractions pourraient faire l’objet d’un signalement au Parquet (art. 40 code procédure pénale).

Saisi par les hiérarques de la DIRECCTE, la Direction générale du travail (DGT), sans même consulter les référents maritimes du Ministère du travail et sans prendre en considération le droit du travail maritime, déclare : « l’inspection du travail n’est pas compétente pour contrôler [le service maritime du Conseil départemental] et toute question relative tant aux conditions de travail qu’au statut individuel des agents de services (sic) échappe donc à la compétence de nos services sans qu’il y ait lieu de distinguer entre agents de droit public et agents de droit privé » (note DGT 12 oct. 2017). Les hiérarques ont donc intimé l’ordre : « les procédures déjà engagées à ce titre par notre service n’ont pas lieu d’être et ne doivent pas être poursuivies » (courriel 26 oct. 2017).

L’impunité des armateurs publics

Lorsque la DGT a tenté vainement d’empêcher les contrôles de La Poste en 2010, le Conseil d’État lui a rappelé que l’exécutif ne peut pas faire obstacle aux missions de l’inspection du travail qui lui ont été confiées par le législateur (CE, 23 mars 2012). La DGT a déjà reconnu que l’inspection du travail est compétente pour contrôler les salariés privés du Pôle emploi, établissement public administratif (note DGT 27 août 2012). Alors pourquoi la DGT s’acharne à vouloir empêcher les contrôles des marins de droit privé des collectivités territoriales ?

La traversée maritime de l’estuaire étant un service public industriel et commercial (SPIC), susceptible de délégation du service public, le Conseil départemental, en la personne de son Président, est pénalement responsable des infractions commises (art. 121-2 du code pénal). Or, l’intervention de la DGT tombe exactement au moment où l’inspection du travail a l’intention de transmettre son signalement au Parquet. S’agit-il d’une ingérence politique indue, prohibée par les conventions de l’OIT faut-il le rappeler, afin d’éviter des poursuites pénales à un élu local ? D’ores et déjà le Conseil national de l’inspection du travail est saisi.

Contre toutes les « influences extérieures indues », patronales ou politiques, nous continuerons à défendre les missions de l’inspection du travail !
Pour une inspection du travail au service des travailleurs de la mer !
Retrait de la note de la DGT du 12 octobre 2017 !

 

Le tract en pdf: Inspection du travail et marins