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En 2020: Entretien individuel d’évaluation : c’est toujours non !

« l’évaluation individualisée, provoque, et c’est d’ailleurs un des objectifs affichés de la méthode, la concurrence généralisée entre les travailleurs » (Christophe Dejours, Souffrance en France).

Cette année encore les entretiens professionnels doivent être réalisés en début d’année. La CNT maintient son opposition à un système d’évaluation dont le principe est toujours le même : mettre en concurrence les agents par la carotte (attribution d’un Complément Indemnitaire Annuel plus ou moins important, hypothétiques réductions d’ancienneté ou avancement au choix) et le bâton (suppression du CIA et la stagnation).

La nouveauté pour cette année est le grand retour des objectifs chiffrés qui augmenteront automatiquement le stress et la pression sur les collègues. Ces objectifs chiffrés avaient pourtant été suspendus en 2012 suite aux suicides de nos collègues Luc Béal-Rainaldy et Romain Lecoustre. Cynisme ou indifférence la DGT et le ministère ne tirent aucune leçon du passé.

Fondamentalement l’entretien d’évaluation reste un pseudo-contrat d’objectifs individuels sur la base de l’atteinte des objectifs de l’année précédente. Que ces objectifs soient quantitatifs ou non, il s’agit toujours du même management par objectifs et de la même « culture du résultat ». Ce faisant l’agent se retrouve à porter seul la responsabilité de sa charge de travail et du manque de moyens pour faire face à sa mission.

A cet égard l’Instruction du 30 novembre 2016 relative aux entretiens professionnels prenait bien soin de préciser que « l’agent évalué ne peut pas être accompagné d’un collègue ou d’un représentant du personnel. Une telle présence, contraire à l’esprit du dispositif irait à l’encontre du caractère individuel et personnel de l’évaluation ».

Il faut donc rappeler que l’évaluation individuelle des performances (de son vrai nom issu du management privé) est un système essentiellement discriminatoire qui vise à mettre les agents en concurrence pour éviter de poser la question des moyens collectifs. La carotte (tel que le complément indemnitaire annuel (CIA) dont le montant est également censé prendre en compte l’engagement professionnel de l’agent au titre de l’année précédente) qu’on nous agite sous le nez est elle-même fixée à l’avance et ne va pas augmenter, quand bien même on se tuerait tous au travail pour atteindre ces objectifs. L’enveloppe globale pour les primes ou compléments indemnitaires est prédéfinie et le quota d’agents susceptibles de bénéficier de réductions d’ancienneté est également fixé à l’avance.

La course à l’objectif est donc un leurre individuel et nuisible à l’ensemble du collectif de travail. Sur fond d’idéologie méritocratique, elle vise à faire croire que l’on peut, et surtout qu’il est légitime, de progresser individuellement au détriment de ses collègues (en se racontant que si on obtient plus que le collègue ou le voisin ça doit sûrement être parce qu’on est meilleur que lui ou plus méritant).

Or, la notion de mérite est profondément arbitraire : s’agit-il en fait de « performance » ? Mais « performance » par rapport à quoi ? Il faudrait alors pondérer le mérite supposé par l’effort, les capacités de l’agent plus ou moins valorisées, la qualité de son environnement de travail, l’implication de ses collègues (qui dépend d’une dynamique plus large), son parcours professionnel (lui-même lié à l’origine sociale) etc. toutes choses difficiles sinon impossibles à évaluer.

Au final le supposé « mérite » renvoie toujours en dernier recours au simple niveau d’amour ou de détestation que nous porte le ou les supérieurs hiérarchiques ; et l’évaluation reste un pouvoir institutionnalisé donné au supérieur de discriminer entre ses agents et un outil de pression sur eux.

Ainsi l’évaluation/récompense individuelle ne sert aucunement à mesurer et encourager les résultats ou la progression, ni à produire de l’émulation, mais à créer de la hiérarchie.

Et ce pouvoir-là de gestion managériale, notre hiérarchie locale n’est sûrement pas prête de le lâcher en appliquant, par exemple, des critères égalitaires (même compléments indemnitaires pour tout le monde) ou sociaux (compléments indemnitaires dégressifs en fonction de la catégorie).

Ainsi il nous est ironiquement rappelé dans l’instruction du 30 novembre 2016 que cet entretien est tout à la fois un « droit pour les agents » mais aussi, et surtout, une « obligation ». Tellement attaché à son joujou managérial, le ministère menace l’agent récalcitrant de sanction disciplinaire et demande au supérieur hiérarchique de réaliser de façon unilatérale l’évaluation annuelle.

Tout ceci est une mascarade organisée par l’administration qui isole les agents, produit de la souffrance en nous rendant responsables de nos conditions de travail et nous détourne de la lutte collective pour l’avancée des droits pour tous !

En conséquence, nous réaffirmons notre position de boycott de ces entretiens.

Le tract en pdf : Tract boycott entretien professionnel


Exemple de lettre de refus d’entretien professionnel

à

Monsieur le directeur ou responsable d’unité de contrôle…

A Ville, le …2020

Objet : Entretien professionnel 2020

Vous m’avez convoqué (proposé), par courrier (mail) daté du …, à l’entretien professionnel annuel le … 2020 à …

L’évaluation individuelle des performances (de son vrai nom issu du management privé) est un système essentiellement discriminatoire qui permet d’individualiser le déroulement de carrière et vise à mettre les agents en concurrence par l’attribution d’objectifs (individuels, collectifs, chiffrés ou non), définis surtout au niveau national et régional par les BOP, tout en éludant la problématique des moyens collectifs.

Il s’agit fondamentalement d’une remise en cause de notre statut, de nos acquis et garanties collectives issues du statut des fonctionnaires (égalité de traitement, ancienneté, etc.) au profit d’une individualisation érigée en norme, maintenu par un double système de gratification et de répression.

Dans un contexte marqué par de violentes attaques contre nos missions qui se traduisent notamment par de sévères suppressions de postes, l’instauration de cette technique de management vient ajouter une pression supplémentaire à la surcharge de travail que nous subissons déjà par le sous-effectif chronique de nos services, et plus particulièrement de notre service (unité de contrôle, etc.).

De plus, de nombreux sociologues et cliniciens ont décrit les effets délétères de l’organisation d’une évaluation individualisée sur la dynamique des organisations et la santé des salariés.

En effet, l’individualisme forcené nuit au maintien d’un collectif de travail et à la coopération entre agent entraînant à terme une dégradation des compétences collectives, de la qualité du travail et du service rendu aux usagers.

Concernant les risques d’atteinte à la santé, je vous invite simplement à prendre connaissance du guide de la Direction générale du travail  sur la souffrance au travail qui énumère parmi les sources potentielles de souffrance au travail : l’individualisation du salaire et des primes, la mise en œuvre inappropriée d’entretiens d’évaluation et autres techniques de management visant à isoler le salarié du collectif de travail en générant un écart dément entre le travail réel et le travail prescrit.

Pour toutes ces raisons, et en réponse à un appel syndical, j’ai l’honneur de vous informer que je ne participerai pas à l’entretien professionnel.

Compte tenu de la situation qui en résulte pour le service auquel j’appartiens, je vous informe qu’en ce qui concerne mes objectifs pour l’année 2019, je m’appliquerai à accomplir au mieux les tâches qui me sont confiées en fonction des moyens alloués et de participer au bon fonctionnement de ce service dans le cadre des moyens qui lui sont affectés.

La contrôleuse du travail / inspectrice du travail / secrétaire

Le contrôleur du travail / inspecteur du travail / secrétaire

La lettre en word modifiable et adaptable par chacun.e : lettre refus entretien professionnel