Le droit du travail en système capitaliste
En tant qu’agents du ministère du travail notre mission est d’appliquer un droit du travail censé protéger les salariés. Comment doit-on considérer ce droit ? Le droit du travail est-il un droit protecteur ou le droit du capital et du travail subordonné ? Le droit du travail est fondamentalement ambigu, à la fois outil de politique économique ou moyen de politique sociale. Le droit du travail est un droit protecteur pour les salariés ET le droit du capital.
Ce droit n’est « protecteur » que dans certaines limites qui sont celles du capitalisme. Pour exemple il n’y a pas et il n’y aura jamais de réelle définition contraignante du motif économique sur le fond. La grève n’est tolérée qu’une fois vidée de son potentiel révolutionnaire avec l’interdiction des grèves dites « politique » et de solidarité, la sacro-sainte « liberté du travail » pour les non grévistes. Le travail sera toujours soumis à la loi du profit et à la toute puissance patronale de disposer librement et privativement du travail d’autrui, de l’organiser et de s’en séparer.
De ce point de vue le droit du travail organise le travail subordonné et les règles de concurrence entre entreprises mais dans le même temps il pose certaines limites à la relation d’exploitation. Plus, l’instauration d’un droit du travail minimum est indispensable au système capitaliste, il lui permet de fonctionner et de se reproduire, en offrant à la main d’œuvre des garanties sans lesquelles elle s’épuiserait et en maintenant la paix sociale.
Ainsi le droit du travail révèle la vraie nature du pouvoir politique en général, de la social-démocratie en particulier.
C’est dire que ce droit n’est pas l’œuvre d’un législateur bienveillant, agissant au nom de l’ « intérêt général ». Dans le système capitaliste qui l’a vu naître et se développer, il est en effet le produit des luttes entre patrons et travailleurs. L’encadrement de cette subordination fondamentale du travail, le degré de protection et les évolutions du droit dépendent essentiellement du niveau de mobilisation des travailleurs et des rapports de force sociaux. C’est bien à la réalité de ces rapports de forces à laquelle nous sommes confrontés en permanence.
Quelle mission et quel positionnement pour l’agent de contrôle ?
Ce préalable doit orienter notre positionnement en tant qu’agent de contrôle. Nous ne cherchons pas à appliquer le droit du travail comme une fin en soi, mais bien en ce qu’il peut être utile aux travailleurs à titre individuel et collectif. Et ceci ne peut se faire indépendamment des luttes sociales que ceux-ci mèneront pour garder leurs droits et en imposer de nouveaux.
Loin d’être un acteur « neutre » ou « impartial » au dessus de la mêlée, nous sommes engagés dans la mêlée de la lutte des classes. Ce n’est pas parce que nous sommes dans une institution étatique de régulation sociale que nous sommes condamnés à intégrer l’idéologie social-démocrate de la régulation dans notre rapport au travail.
En interne, notre mission n’a de sens qu’en tant qu’elle peut être utile pour faire respecter les droits des travailleurs ou l’aider à faire valoir ses droits devant les prud’hommes. Toute autre mission éventuelle (flicage des étrangers, contrôle d’affichage sur demande du pouvoir politique ou de l’administration, etc.) est étrangère à cette mission.
En externe, nous participons aux luttes du monde du travail par notre engagement direct (manifestations, grèves, etc.) au sein de ces mouvements et participons à diffuser l’information sur ces luttes afin se sensibiliser nos collègues. Au-delà de la participation effective à lutte en question, il s’agit de tenter de faire progresser la conscience de classe. Ce qui signifie pour nos collègues agents de contrôle, les faire de descendre de leur piédestal de régulateurs sociaux, afin qu’ils s’identifient eux-mêmes comme des travailleurs pouvant participer et aider les luttes des autres travailleurs.