On s’en lasserait presque, tous les ans on nous rejoue le clairon de la mobilisation générale contre le travail illégal à grands coups d’opérations conjointes.
Si dans notre ministère, nos différentes directions restent discrètes sur ce point ou font mine de ne pas comprendre quels sont les objectifs réels de cette mobilisation « conjointe » quand on les interroge, il faut relire la circulaire interministérielle du 2 juin 2010 qui a sur ce point le mérite d’être claire.
Tout d’abord dès la première phrase le travail illégal y est réduit au « travail illégal intéressant les ressortissants étrangers ». Plus précisément « il est rappelé que les opérations de lutte contre la travail illégal intéressant les ressortissants étrangers participent directement à la lutte contre l’immigration irrégulière ».
A grands coup d’objectifs chiffrés sur les étrangers la circulaire met ensuite sur un hypocrite pied d’égalité patrons et travailleurs étrangers, exploiteurs et exploités.
La partie consacrée aux suites administratives à porter aux opérations conjointes enfonce le clou : « il importe que toutes les dispositions soient prises à chacun des niveaux impliqués pour faire en sorte que les interpellations d’étrangers en situation irrégulière aboutissent à des éloignements effectifs ». Des « dispositions d’ordre logistiques (par exemple pré-réservation de places en centre de rétention administrative si l’opération peut aboutir à de nombreuses interpellations simultanées) devront être impérativement prises en amont » (page 4 de la circulaire).
Ainsi par une double réduction du travail illégal au travail des étrangers et du travail des étrangers à la lutte contre l’immigration, l’inspection du travail doit jouer les supplétifs de la police des étrangers dans les entreprises.
Jusque là il n’y a malheureusement rien de nouveau. Il faut alimenter par tous les moyens la machine à expulser et mobiliser tous les services d’État dans cet objectif promu au rang de « « priorité nationale » par notre gouvernement.
Cependant, suite à une plainte du syndicat SNU, le BIT a aussi lu cette même circulaire. Le BIT, qui semble commencer à s’agacer qu’on ne tienne aucun compte de ses avis, condamne très clairement l’ensemble des points énoncés ci-dessus et l’instrumentalisation de l’inspection du travail à des fins autres que la protection des droits des travailleurs étrangers.
Le BIT conclue conclut notamment de la façon suivante : « la commission prie également à nouveau instamment le gouvernement de prendre des mesures visant à ce que les pouvoirs des inspecteurs d’entrer dans les établissements assujettis à leur contrôle ne soient pas détournés à l’effet de l’exécution d’opérations conjointes de lutte contre l’immigration illégale ».
Si le rapport du BIT était paru plus tard, il aurait également pu évoquer la récente participation de l’inspection du travail à un « comité de lutte contre l’islamisme radical » dont on se demande quel peut être le lien avec la volonté de faire respecter le droit du travail et à quoi peut servir l’inspection du travail si ce n’est d’ouvre-boîte par son droit d’entrée dans les entreprises.
En ces temps de banalisation du racisme et de la démagogie populiste dans notre société et jusqu’au sommet de l’Etat, le rapport du BIT fait du bien en rappelant cette évidence : notre fonction est la protection des travailleurs sans distinction de nationalité.
En espérant que notre ministère non comprenant et non entendant tienne cette fois compte du rapport du BIT,
nous réaffirmons ici notre opposition à toute participation à des opérations conjointes de police des étrangers.
Le tract en pdf : Inspection du travail : Nous ne jouerons pas les auxiliaires de police de l’immigration !