La souffrance au travail, ça existe aussi chez nous. On le savait mais l’enquête du docteur Font-Tiney, critiquable sur certains points, aura eu le mérite de mettre cette question sous le nez de la direction.
Non, les difficultés que nous ressentons au travail ne sont pas liées à la gestion individuelle de nos professions (inexpérience, incompétence, exagération, etc.), mais bien à nos conditions collectives de travail, dans un contexte de restructuration et de Réduction Généralisée des Politiques Publiques, qui génèrent une souffrance non feinte par les agents.
Oui, nos métiers sont attaqués par la logique comptable à laquelle nous sommes soumis et qui nous empêche d’assurer correctement une mission de service public.
Que dit ce rapport ?
Le rapport cherche à mettre en évidence les facteurs de stress en fonction de la demande psychologique et les facteurs de souffrance liés à la reconnaissance dans le travail.
Résultats globaux
Une charge de travail importante
Tout d’abord le rapport constate que « les exigences de travail sont conséquentes du fait de fortes contraintes temporelles au plan quantitatif et d’une forte charge de travail au plan quantitatif » (p.21). Ainsi « travailler vite et travailler intensément représentent pour près de 80% de la population, les contraintes de temps les plus citées, 60% des salariés jugent que leur travail est bousculé » (p.21).
Face à cette quantité de travail, la latitude décisionnelle est globalement satisfaisante à l’exception des agents supports (secrétariat, adjoints administratifs) qui dénoncent leur manque de latitude décisionnelle surtout en termes d’utilisation des compétences (p.23).
Un soutien insuffisant
Concernant le soutien reçu dans notre travail, « le score le plus bas de soutien social observé se situe dans la catégorie A, et les personnes qui se déplacent » (p.25). En gros quand on travaille en section, plus on se rapproche de la direction moins on se sent soutenu. Étonnant, non ?
Il est important de distinguer ici le soutien social hiérarchique et le soutien social par les collègues car « le soutien social entre collègues est décrit comme satisfaisant » (p.26)
Sans surprise on peut donc dire que c’est le soutien entre collègues qui permet de tenir la baraque. Et sans surprise, c’est précisément ce collectif de travail qu’on veut faire éclater en appliquant les recettes du management privé (individualisation des rémunérations et des carrières, logique du chiffre, etc.)
Néanmoins un problème de fond est ici présent dans les choix méthodologiques de l’enquête. Le niveau de stress, comme rapport entre les contraintes et les ressources, paraît satisfaisant selon les résultats de l’enquête car les ressources sont uniquement envisagées d’un point de vue individuel (compétence et latitude et décisionnelle). Or si pour les agents de contrôle en section la latitude décisionnelle est souvent importante, le stress vient du manque de ressources collectives, et principalement du manque d’effectifs, pour faire face à la charge de travail.
En un mot, on peut résumer la situation en disant qu’à l’inspection du travail les agents de contrôle ont carte blanche pour se débrouiller. Cependant, il aurait été bienvenu de le remarquer dans l’enquête, mais nous n’avons pas été réellement entendus sur ce point.
De même, l’équilibre entre efforts et récompenses est décrit comme satisfaisant. Le récent épisode des « dé-primé » et des indus à rendre laisse penser que les scores seraient bien différents si on refaisait l’enquête aujourd’hui. Il est quand même à noter que « les catégories B et C dénoncent le manque de reconnaissance et plus particulièrement les salaires, les perspectives de promotion et l’inquiétude liée à un changement indésirable » (p.31). Les catégories C de l’emploi, à qui on explique régulièrement qu’ils vont disparaître, sont ici en première ligne.
Des conséquences sur la santé
« Les scores témoignent de l’existence d’un niveau d’anxiété non négligeable (…). Les personnes décrivent des sentiments de tension, d’inquiétude qui s’accompagnent d’une incapacité à rester tranquilles ». (p.32).
63% des agents décrivent des troubles du sommeil en lien avec le travail. Pour un tiers du personnel, le travail serait plutôt nuisible à leur santé, alors qu’un agent sur cinq a recours à des consultations et/ou de la prise de médicaments.
Il est intéressant de noter ici que le rapport relève lui-même que « pour la catégorie A les scores à partir du jugement subjectif de la dimension stressante du travail s’accordent mal avec le taux job strain », c’est-à-dire avec le niveau de stress tel que défini par le modèle de Karasek comme écart entre la demande et la latitude décisionnelle. Mais malheureusement, comme évoqué plus haut, le rapport n’en conclue pas que le critère de la latitude décisionnelle n’est pas forcément pertinent pour évaluer le stress dans nos métiers.
Pour finir avec les résultats globaux citons une nouvelle fois le rapport :
« A travers ces scores il apparaît que ce ne soit pas le travail en lui-même (hormis les catégories C) qui pose problème, mais davantage peut-on avancer, son contexte politique et social ? » (p. 35). Et comment qu’on peut l’avancer ! Oui notre travail nous tient à cœur et nous essayons de le faire du mieux possible avec les moyens qu’on ne nous donne pas !
Résultats selon les pôles et activités
Nous ne résistons pas à l’envie de vous donner quelques résultats des nominés des services et activités les plus en souffrance.
- Dans la catégorie plus fort taux de Job Strain (stress selon l’enquête) : la palme revient aux services du secrétariat général ! (p. 38).
- Dans la catégorie plus faible taux de latitude décisionnelle : la palme revient aux secrétaires tous pôles confondus ! (p.38 et suivantes)
- Dans la catégorie du travail le plus exigent : les inspecteurs du pôle T ! (p. 43)
- Dans la catégorie du faible soutien hiérarchique : la palme revient aux directeurs du pôle T. Les directeurs ne sont soutenus par leur propre direction et ainsi de suite (p.42)
- Travail le plus rébarbatif : pôle emploi qui est aussi le pôle en plus mauvaise santé ! (p.45 et 46)
- Anxiété : tout le monde a gagné c’est comme à l’école des fans !
Et maintenant qu’est-ce qu’on fait ??
N’en doutons pas, notre direction va rapidement nous proposer un plan d’action. Mais comme nous sommes un syndicat super constructif, qui ne se cantonne pas à la « plainte », on leur propose des pistes d’action :
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Arrêt des restructurations dans le cadre de la RGPP (et arrêt de la RGPP tout court tant qu’à faire).
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Multiplication par 5 des effectifs (pour commencer).
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Suppression des entretiens individuels d’évaluation et leur remplacement par de réelles réunions autour de nos pratiques professionnelles et des difficultés rencontrées dans nos métiers.
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Suppression de toute dimension individuelle du salaire et intégration des parts variables dans le salaire fixe par l’augmentation du point d’indice.
Tout ceci n’est évidemment qu’un programme minimal qui ne demande qu’à être enrichi.
Au pire, n’en doutons pas non plus, si nous avons besoin de quelque chose, la direction saura nous expliquer comment s’en passer.
Le tract en pdf : Risques psycho-sociaux dans le Rhône 69