Dans cet article, le Procureur qui a donné suite à la plainte de Tefal déclare notamment que c’est « une occasion de faire le ménage » dans le corps de l’inspection du travail !
Chez Tefal, les lanceurs d’alerte trainés devant la justice
« Le simple fait de comparaître est très inquiétant »
Le coup est rude pour les deux personnes dont la situation évoque immanquablement celle de lanceurs d’alerte. « C’est l’arroseur arrosé, c’est violent pour notre collègue et pour toute la profession, dénonce Marie-Pierre Maupoint, inspectrice du travail et porte-parole de SUD travail en Rhône-Alpes. On se demande qui est le délinquant dans cette affaire ! Le jugement n’est pas encore tombé, mais le simple fait de comparaître est très inquiétant. » Alors que Laura Pfeiffer a reçu lundi sa convocation par voie d’huissier, les syndicats CGT, SNU (FSU), CNT, SUD et FO de l’inspection du travail annoncent déjà une journée de grève et un rassemblement devant le tribunal le 5 juin, avec le soutien des unions départementales CGT et FO. « Ce procès est éminemment politique, c’est le procès de notre métier, de l’inspection du travail, démantelée depuis des années par les gouvernements successifs et qui doit faire face aux attaques incessantes du Medef et du patronat à travers la mise en cause de ses agents », estiment-ils dans un communiqué commun publié hier.
En engageant les poursuites contre l’ex-salarié de Tefal et Laura Pfeiffer, le procureur d’Annecy, Éric Maillaud, a opéré un choix, puisque sur son bureau figurent également les deux procédures engagées par l’inspectrice elle-même. Après avoir pris connaissance des fameux documents fin 2013 – échanges de mails entre responsables des ressources humaines et tableau de bord où apparaît un véritable plan d’action pour l’écarter – elle a dressé un procès-verbal contre Tefal pour obstacle à ses fonctions, transmis au parquet en avril 2014. En juillet, elle a aussi porté plainte pour harcèlement contre son directeur qui a relayé les pressions de Tefal et contre la direction régionale du travail, qui refuse depuis des mois la reconnaissance en accident de service d’un arrêt maladie consécutif aux pressions. Les enquêtes sont en cours sur ces deux procédures. Le procureur respecte-t-il simplement un ordre chronologique ? Rien n’est moins sûr. Contacté par l’Humanité, Éric Maillaud se montre très peu choqué par les agissements de Tefal : « Qu’une grande entreprise vienne dire au directeur du travail qu’une inspectrice du travail lui casse des pieds, je ne suis pas juridiquement d’accord, mais en même temps c’est la vie réelle, on vit dans un monde d’influence et de communication, ce n’est pas le monde des Bisounours », relativise-t-il, laissant entendre qu’il risque fort de classer sans suite le procès-verbal de l’inspectrice. À propos de la plainte pour harcèlement, il estime que le directeur du travail – qu’il « connaissait bien et qui était un homme charmant » – pourrait être plus la victime que l’auteur du harcèlement. Rappelant le principe de l’opportunité des poursuites – la liberté pour le parquet d’engager des poursuites ou pas –, le magistrat dit avoir « beaucoup hésité à poursuivre une inspectrice du travail », mais le fait qu’elle ait « arrosé tous les syndicats » de documents « obtenus de manière frauduleuse » lui paraît inadmissible : « On n’en est qu’au stade des poursuites, mais ce peut être un rappel à l’ordre pour un corps qui se doit d’être éthiquement au-dessus de la moyenne, une occasion de faire le ménage. »
L’article en pdf : Téfal-une-occasion-de-faire-le-ménage-humanité